French Forum - Les nouvelles francaise du mois de decembre 2003
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Triste bicentenaire

International

HAÏTI Le pays, qui est aujourd'hui un des Etats les plus pauvres du monde, fête ses deux cents ans d'indépendance alors qu'il est traversé par une crise politique majeure Triste bicentenaire pour Haïti

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PORT-AU-PRINCE, la capitale haitienne, constitue un bidonville de trois millions d'habitants, des bandes de voyous armés et drogués, a la solde du pouvoir, y font régner la terreur en racketant la population. (Photo/AFP)

Haïti célèbre le 1er janvier le bicentenaire d'une indépendance chèrement acquise en 1804 contre les troupes de Napoléon Bonaparte. Cette fête qui aurait pu être glorieuse se déroule dans un pays à l'économie exsangue déchiré par une crise politique majeure au milieu des violences.

Plusieurs cérémonies sont prévues à Port-au-Prince et aux Gonaïves où avait été déclarée l'indépendance. Le chef d'Etat Jean Bertrand Aristide, contesté depuis des mois par de manifestations nombreuses qui réclament sa démission, a invité tous les dirigeants du monde à y assister. Leur déroulement sera aléatoire et tributaire des conditions de sécurité, qui se sont fortement dégradées. Deux siècles après son indépendance, le pays le plus pauvre du continent américain qui compte 7,9 millions d'habitants, conjugue tous les traits du sous-développement : drame démographique avec 2,3% d'accroissement annuel de la population, catastrophe sanitaire avec le sida, une couverture médicale déficiente et des taux de mortalités infantile et maternelle très élevés, drame social avec plus des deux tiers des Haïtiens vivant sous le seuil de pauvreté, et écologique avec moins de 3% de la couverture végétale originelle subsistant.

Depuis 1804, la volonté de presque tous les chefs d'Etat, même ceux démocratiquement élus, de se maintenir au pouvoir par la force, ajoutée à de sanglantes luttes internes, ont lourdement hypothéqué le développement du pays. Mais l'inconséquence des dirigeants et des élites politiques haïtiennes n'est pas seule responsable.

De l'ostracisme des dirigeants blancs du XIXe siècle contre le seul Etat antiesclavagiste d'un continent qui abusait du travail forcé au lourd tribut financier réclamé par la France pour indemniser ses colons en passant par un embargo international désastreux de 1991 à 1994 et d'actuelles sanctions économiques, les erreurs internationales ne manquent pas. Le parcours inédit du prêtre puis président Aristide – qui avait rallié en 1990 la bourgeoisie progressiste, les intellectuels, une partie des classes moyennes et les masses urbaines et rurales déshéritées – participe au désenchantement après les années de plomb de la dictature des Duvalier. «En 1990, comme cela était arrivé pour d'autres candidats auparavant, les deux tiers de la population ont eu un véritable coup de coeur pour le candidat Jean Bertrand Aristide», rappelle l'historien haïtien Georges Michel. Pour ses détracteurs, le principal défaut du président Aristide est de ne pas avoir su se comporter en «rassembleur» et d'avoir agi en chef de parti avec des hommes de main ayant recours à la violence. Avec des agressions le 5 décembre contre des étudiants et des responsables universitaires, il s'est mis «hors la loi» et doit partir face au mécontentement grandissant de la population, estiment-ils.

De son côté, le président voit dans le combat mené par ses adversaires la poursuite politique d'un coup d'Etat militaire sanglant en septembre 1991 qui l'avait contraint à l'exil pendant trois ans. Il interprète aussi les excès de ses partisans armés comme l'illustration de la colère populaire contre ceux qui veulent le renverser à nouveau en l'empêchant de terminer son mandat de cinq ans qui devrait théoriquement s'achever le 7 février 2006. Le durcissement des positions laisse peu d'espoir à la négociation. Proposé par l'Eglise catholique, un compromis prévoyant la création d'un conseil auprès du chef de l'Etat, représentant la diversité de la population, a été accepté par le président. Il a reçu le soutien des Etats-Unis, principal partenaire politique d'Haïti, mais l'opposition l'a rejeté, le qualifiant de «geste désespéré» de Jean Bertrand Aristide pour sauver son pouvoir.

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La République haitienne trahie par ses élites

International

Deux siècles de violences, marqués par une succession de dictateurs sanglants, ont brisé l'espérance du peuple haïtien La République haïtienne trahie par ses élites

Port-au-Prince : de notre envoyé spécial François Hauter [31 décembre 2003]

C'est dans le drame, familier à son histoire, que la République de Haïti fête ce 1er janvier son bicentenaire. En 200 ans, 45 chefs d'Etat, la plupart des dictateurs sanglants, se sont succédé au pouvoir, les trois quarts n'ayant pas pu achever leur mandat. Deux siècles de déchirance : l'espérance de ce peuple de huit millions d'habitants, après une épopée magnifique, a été trahie par ses élites. Le régime du dernier président, Jean-Bertrand Aristide, s'inscrit parfaitement dans ce schéma tragique. Haïti, née de la révolte contre l'esclavage d'hommes et de femmes auxquels on ne daignait pas l'humanité et qui en 1804 ont été les premiers à vaincre l'armée alors la plus puissante du monde – celle de Napoléon –, pour s'affranchir (lire aussi page 3), vit aujourd'hui dans l'une des pires misères du monde. La capitale, Port-au-Prince, est un bidonville de trois millions d'habitants, dans lequel règne une anarchie sanglante. M. Aristide, treize ans après avoir été élu président de la République par une écrasante majorité de ses compatriotes, ne s'y retrouve plus défendu que par des bandes de voyous armés, drogués à la colle, qui font régner la terreur en rackettant la population.

Les «chimènes» sont les nouveaux «tontons-macoutes» de Haïti. Le président a lancé depuis le 11 décembre ces hordes, qu'il finance en s'octroyant le budget de l'Etat, contre les étudiants. En trois semaines les morts et les blessés se comptent par dizaines. Les forces d'opposition ne voulaient pas que M. Aristide arrive à la date symbolique de cet anniversaire. Mais, jusqu'à présent, elles n'ont pas réussi à mobiliser les couches populaires (80% des Haïtiens). Ce chaos récurrent fait de Haïti un pays pathétique, où l'Etat est en décomposition, et l'idée de nation n'existe pas.

L'échec d'Haïti pose à tous les Noirs du monde la question de leur aptitude à conduire leurs pays au développement. C'est du moins ce qu'affirmait avec une grande candeur le président sud-africain Thabo Mbeki, le 1er juillet dernier, lors d'un discours prononcé à l'Université des Indes occidentales, à Kingston, la capitale de la Jamaïque : «Nous devons constater que si les révolutions américaines et françaises ont réussi à créer les conditions du développement pour les peuples américain et français, déclarait-il, Haïti n'a pas connu le même développement. Au contraire, elle a connu un développement inverse. Nous, les Africains, et les Africains de la diaspora, nous avons à répondre à cette question : pourquoi la condition des Africains s'est-elle dégradée au fil des ans, bien que les républiques africaines existent en tant que républiques noires, comme c'est le cas en Haïti depuis 200 ans ?» A cette question désagréable, Jean-Bertrand Aristide répond par la démagogie la plus crue, qui fait toujours recette d'Abidjan à Harare, lorsque des dirigeants africains se sentent menacés et qu'ils invoquent en dernier recours «la faute des Blancs» : M. Aristide, qui a détruit durablement son pays, se tourne vers l'ancien pouvoir colonial français et lui réclame : «Restitisyon pou Ayiti !»

Traduit du créole, cela donne une indemnité de 21 685 135 571 dollars et 48 cents, qui représenterait le remboursement (à sa valeur capitalisée en 2003) des indemnités réclamées par la France (depuis Napoléon jusqu'à Louis-Philippe) pour l'indemnisation des propriétaires français expropriés en 1804, et payées (en partie) par Haïti dès 1825 (le dossier a été clos en 1949). Dans ce montant, il y avait la reconnaissance par la France de l'indépendance de Haïti. Autant dire que si la France «restituait» aujourd'hui 21 milliards de dollars... et 48 cents à M. Aristide, elle serait en droit de réclamer l'essentiel du territoire haïtien, et de le transformer en DOM-TOM... Cette fin lamentable pour la première grande république noire de l'humanité, chantée par Victor Hugo (1), personne évidemment ne l'envisage en Haïti. Car cet anniversaire tragique offre l'occasion d'un sursaut général des consciences, face au dernier avatar des dictatures locales.

A bien des égards, celle de Jean-Bertrand Aristide est plus désespérante que les autres. Ce curé défroqué, psychopathe saisi par la folie du pouvoir et de l'argent, n'était-il pas à l'origine un homme de Dieu, une espérance absolue pour la masse des Haïtiens ? Cette trahison, le père Le Bellec, qui représente bien la vieille tradition bretonne des missionnaires à Port-au-Prince, l'analyse justement : «Il y a un amour cassé dans la trahison d'Aristide. Les Haïtiens en ont honte : si l'on a été trompé par Aristide, à qui peut-on encore faire confiance ? C'est pour cela que le peuple est encore silencieux. La honte est collective.» Le malaise est aussi palpable dans l'Eglise que dans la communauté nationale, où la messe et le vaudou (dans l'esprit commun, c'est la religion de l'Afrique, c'est-à-dire de la liberté des esclaves) ne font souvent qu'un. Aujourd'hui, les Haïtiens vivent dans une situation d'extrême survie. On ne compte plus à Port-au-Prince les enfants abandonnés, et dans l'état absolu de misère de la population, un salaire de 120 euros par mois est exceptionnellement favorable.

Comme toujours, misère, ignorance (85% des Haïtiens sont analphabètes) et violence font bon ménage. Le régime de «Titid» (Aristide), au fil des ans, est devenu complètement maffieux. Sur les routes du pays, les barrages de la police rançonnent les voyageurs. Dans la capitale, les «chimènes» arrêtent les voitures, volent passagers et les véhicules neufs, en toute impunité. Ce mois-ci, le régime est allé jusqu'à faire massacrer des étudiants dans leur université. La NCHR (coalition nationale pour les droits des Haïtiens) évoque les actes de «torture, viol, vol, pillage, bastonnade, exécutions sommaires, arrestations illégales, disparitions, détentions arbitraires» innombrables, commis par les «chimènes» ou autres «brigades spéciales» qui forment aujourd'hui le rempart du régime de terreur de «Titid» (Aristide). Le Centre oecuménique des droits humains, animé par Jean-Claude Bajeux, l'une des autorités morales du pays, dénonce : «C'est l'Etat qui est lui-même le grand délinquant, l'instaurateur du désordre et de la violence. L'Etat est hors la loi.»

Le sénateur Sanson Prince Pierre, un ancien de la «Famille Lavallas» (le parti d'Aristide), explique que «Lavallas aujourd'hui, c'est le contraire de la justice, de la démocratie et d'un projet social. Ils ont récupéré des anciens duvalieristes (l'ex-«Papa Doc») qui ont imposé leur propre vision du pouvoir.» Une vision simple, celle de l'éternité, comme au temps des Duvallier père et fils : dans les rues de Port-au-Prince, Jean-Bertrand Aristide fait hurler par ses partisans : «Aristide Roy !», avant de faire bombarder ceux qui ne sont pas d'accord de «pluies de roches» (de grosses caillasses). Et maintenant que la lutte s'est radicalisée, de les blesser ou tuer par balles. Pierre Robert, un opposant, entrepreneur à Gonaïves, la troisième ville du pays (c'est là que l'indépendance a été déclarée en 1804), explique ainsi la quasi-permanence de la dictature en Haïti : «Notre pays, dit-il, est né sous le signe républicain, mais il n'a jamais vécu concrètement les valeurs républicaines. Derrière nos héros, il n'y avait personne pour faire vivre ces valeurs. Il faut que nous ayons le courage de voir nos laideurs en face, parce que c'est un tissu effroyable. Le moment est venu de refonder la nation sur une base purement morale, de sorte que la direction du pays soit assurée selon le principe de la morale universelle.»

En Haïti, le verbe de la Révolution n'est jamais loin. On retrouve le souffle et les expressions du «jacobinisme noir» dans les déclarations quotidiennes des hommes politiques, avec toujours l'impression d'être projeté dans un passé vieux de 200 ans. L'Histoire, ici, se serait-elle définitivement arrêtée en 1804 ? A entendre les élites qui restent coupées du peuple, et à voir les distinctions sociales fondées sur la couleur de la peau qui perdurent, on peut en avoir l'impression. Une autre attitude psychologique, généralisée, se retrouve dans la vie quotidienne et ne favorise pas le progrès. Elle est née de l'esclavage. Les Haïtiens appellent cela le «maronnage» : toujours, la responsabilité d'une faute personnelle est attribuée à l'autre. Et si l'on vous répond toujours «oui» en Haïti, jamais on ne fera ce qu'on dit. Au tout début du XIXe siècle, le mouvement de révolte contre l'esclavage – que Napoléon voulait faire rétablir – était parti de quelques esclaves «marrons» (révoltés). Ces personnages héroïques avaient acculé les autres captifs des plantations à se joindre à eux. On avait suivi les Toussaint, Christophe, Clervaux et Dessalines, contraints et forcés. En 2004, deux siècles d'échecs servent de repoussoir aux nouvelles élites haïtiennes, qui pour la première fois présentent un front commun. Elles se sont rassemblées en un collectif d'hommes politiques, mais surtout d'intellectuels, d'hommes d'affaires, d'Eglises et de syndicalistes. Ce groupe, dit «des 184», qui réunit maintenant toutes les élites de la «société civile» en Haïti, est emmené par un homme d'affaires courageux, d'origine syrienne, André Apaid. Il a l'ambition révolutionnaire, après avoir chassé Aristide, de refonder entièrement la société haïtienne sur les principes de la démocratie et du droit. Une dernière chance ? Face à la dictature, Haïti n'en finit pas de bégayer son histoire, de repartir de zéro.

Depêche
Depuis Gonaives, les entourloupettes de Butter Metayer

Mardi, 30 décembre 2003 11:15

Le Front Anti-Aristide affirme que le Bicentenaire de l'Indépendance ne sera pas célébré aux Gonaïves

« Il n'y aura pas de fête aux Gonaïves , le 1er janvier » . Cette déclaration est signée Butter Métayer , un des chefs de file du Front de Résistance de l'Artibonite qui mène une lutte armée contre le régime du Président Jean Bertrand Aritide.

Dans une interview accordée à Radio Métropole , ce mardi 30 décembre 2003 , M. Métayer a qualifié de montage les déclarations remises à la presse par les parlementaires Lavalas, le sénateur Jean Claude Délicé et le député Amanus Mayette où il a invité le Président Aristide à célébrer le Bicentenaire de l'Indépendance dans la Paix . Butter Métayer affirme qu'il ne trahira pas la cause de son frère assassiné Amiot Métayer , le 21 septembre dernier , par Lavalas , dit-il, ni celle du peuple .

Le revirement de Butter Métayer, le lundi 29 décembre, n'a pas calmé l'ardeur des manifestants hostiles au Président Jean Bertrand Aristide aux Gonaïves. Une marche pour dénoncer le comportement de M. Métayer a été organisée , le même jour , dans la Cité de l'Indépendance . La police est intervenue pour disperser la manifestation en tirant en l'air.

Le principal porte-parole du Front Anti-Aristide , Winter Etienne , a pris la défense de Butter Métayer. Dans une déclaration faite ce mardi 30 décembre , M. Etienne a renouvelé la détermination du Front d'en finir avec le Chef de l'Etat à l'occasion du Bicentenaire de l'Indépendance. Winter Etienne a de nouveau exhorté les invités aux festivités du 1er janvier à ne pas se présenter aux Gonaïves. M. Etienne menace d'utiliser toutes les armes dont dispose le Front pour empêcher les cérémonies.

Au niveau du gouvernement , toutes les dispositions ont été prises pour garantir le bon déroulement des festivités aux Gonaïves. Ce mardi , le secrétaire d'Etat à la Communication , Mario Dupuy, a indiqué que le problème de sécurité ne se pose pas pour la Célébration de 2004.

Depêche
L'alternative à Lavalas sera rendu publique bientôt, annonce l'Opposition

Mardi, 30 décembre 2003 09:56

La Convergence Démocratique invite la population à rester mobilisée car le régime Lavalas vit ses derniers moments. L'un des dirigeants de la principale coalition de l'Opposition, Serge Gilles du PANPRA indique que le projet d'alternative Lavalas est en voie de finalisation .

Lors d'une conférence de presse , le lundi 29 décembre 2003, à Port- au-Prince, M. Gilles citant un rapport d'une commission de travail a révélé que le gouvernement de transition aura à sa tête un membre de la Cour de Cassation, un premier ministre qui sera encadré par un conseil de sages ou un conseil d'Etat . Ce gouvernement aura une feuille de route en vue de la réalisation d'élections générales.

Le dimanche 28 décembre , à l'émission « Rencontre » diffusée sur Radio Métropole, des membres de la Plate-forme démocratique avaient indiqué que cette coalition formée de partis politiques et d'organisations de la Société Civile planchait sérieusement sur la formule de gouvernement qui devrait remplacer celui du Président Aristide après son éventuel départ . Les organisations membres de la Plate-forme souhaitent aboutir à un véritable consensus à travers cette alternative qui devra être inclusive. La Plate-forme qui réclame le départ du Président Aristide envisage de présenter bientôt ce document à toute la nation .

En attendant certains des experts révèlent que le comité de rédaction est en train d'explorer une formule qui pourrait être mi- constitutionnelle mi-politique . Me Osner Févry , membre de la Plate- forme note qu'il existe aujourd'hui trois (3) alternatives . 1) un gouvernement 100% constitutionnel dirigé par un membre de la Cour de Cassation chargé d'organiser des élections générales dans trois(3) mois ;2) une formule 100% politique avec un président provisoire qui pourrait être ,selon lui, Gérard Gourgue ou Leslie Manigat ;3) une solution politico-juridique , 50% constitutionnel et 50% politique ,c'est-à-dire un gouvernement présidé par un membre de la Cour de Cassation avec un premier ministre de consensus .

Le Président Aristide supporte une proposition de compromis de l'Eglise Catholique incluant notamment la formation d'un conseil de sages devant aider le Chef de l'Etat après le départ du Parlement ,le 12 janvier 2004 . Ce plan est également appuyé par les Etats-Unis.

Depêche
Trois jours de mobilisation décretés contre Aristide

Mardi, 30 décembre 2003 10:04

Mobilisation non stop des étudiants pour forcer Aristide à quitter le Pouvoir

Les étudiants décrètent trois (3) jours de mobilisation intense contre le Pouvoir de Jean Bertrand Aristide. Ils comptent manifester les 30 et 31 décembre 2003 et le 1er janvier 2004 pour dire non à Lavalas .

Par rapport à un pouvoir qui se montre inébranlable, il faut maintenir la pression, soutiennent les étudiants. Et cette fin d'année sera marquée par d'importantes manifestations de rues. Tout un agenda a été élaboré en ce sens, précise Ludovic Augustave Fils, le porte-parole des étudiants membres du Conseil de l'Université d'Etat d'Haïti.

Mais pour maintenir la pression, les étudiants comptent sur la mobilisation de tous les secteurs de la population. Aussi, appellent- ils, tous les fils et filles de la patrie à soutenir le mouvement anti-gouvernemental visant le départ du Président Jean Bertrand Aristide. La population n'est pas restée indifférente à cet appel. Les dernières manifestations convoquées par la Plate-forme Démocratique et les étudiants ont fait bonne recette. Les étudiants saluent le courage des citoyens.

Les étudiants, le Groupe des 184 et les partis de l'Opposition ont déclenché une grande mobilisation pour forcer le Président Jean Bertrand Aristide à démissionner. Le chef de l'Etat minimise le mouvement hostile à son pouvoir en qualifiant de "tizwit" (infime minorité) ceux qui réclament son départ. Mais, pour les opposants au régime, l'important est que l'opinion nationale et internationale aient saisi le message du refus à Lavalas.

                                                       
Affichées le lundi 29 décembre 2003
                
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L'opposition armée aux Gonaives décrète une trêve pour le bicentenaire
                               
Par Agence France-Presse

PORT-AU-PRINCE, 29 déc (AFP) - Buteur Métayer, chef de l'opposition armée au président Jean Bertrand Aristide dans la ville des Gonaïves (nord-ouest), a décrété lundi une trêve à l'occasion de la célébration du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti le 1er janvier prochain.

Buteur Métayer indique que cette trêve, en vigueur depuis dimanche, permet au chef de l'Etat et à ses invités étrangers de se rendre en toute sécurité aux Gonaïves pour cet événement.

Il souligne que la célébration du bicentenaire en "2004 n'appartient pas seulement à Jean Bertrand Aristide mais à tous les Haïtiens".

Le président Jean Bertrand Aristide a annoncé qu'il se rendrait aux Gonaïves, ville ou les actes de violence se sont succédé depuis plusieurs mois. C'est dans cette localité que fut proclamé il y a deux cents ans l'indépendance d'Haïti par le général Jean-Jacques Dessalines.

Le président sud-africain, Thabo Mbéki, qui se rendra à Port-au- Prince à la fin de l'année par avion à l'issue d'une visite d'Etat aux Bahamas, devait assister aux cérémonies aux Gonaïves où sa sécurité rapprochée vient de s'y rendre.

Buteur Métayer est responsable de l'ex-armée Cannibale devenue le Front de résistance révolutionnaire de l'Artibonite. Il est le frère de Amiot Métayer, l'ex-chef de l'armée Cannibale, dont le corps criblé de balles et mutilé avait été retrouvé le 22 septembre dernier.

Ses partisans ont mis en cause le pouvoir qui a démenti et désigné un "bras armé" de l'opposition et depuis le 23 septembre des manifestations et des violences ont fait trente-six morts et 85 blessées par balles.

dl/tes/vk. Document AFPFR00020031229dzct001jr

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POLITIQUE

Lundi, 29 décembre 2003 10:56 RADIO METROPLE

Avertissement aux délégations invitées à participer aux festivités du Bicentenaire de l’Indépendance aux Gonaïves par le Front Anti- Aristide

Les membres du Front Anti-Aristide aux Gonaïves réaffirment leur détermination de procéder à l' arrestation du Chef de l' Etat lors des festivités du 1er janvier 2004. Ils lancent une sévère mise en garde aux diverses délégations étrangères qui                   s'apprêteraient à investir la Cité de l'Indépendance dans le cadre de la célébration du Bicentenaire d'Haïti.

Les membres du Front martellent que Jean Bertrand Aristide n'est pas digne de présider ces cérémonies marquant les 200 ans de l’Indépendance. Les responsables du Front demandent du même coup aux représentants de la communauté internationale d'éviter d'accompagner le Président Aristide aux Gonaïves, le 1er janvier. Selon le porte-parole du Front anti-Aristide, Wynter Etienne, les militants de son organisation feront tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher le déroulement de ces festivités aux Gonaïves.

La Cité de l'Indépendance est en ébullution depuis l'assassinat, le 21 septembre du puissant chef d'Organisations Populaires (OP)Amiot Métayer, qui dirigeait « l'Armée Cannibale ». Les nombreuses interventions des unités spécialisées de la Police Nationale d'Haiti (PNH) ont fait déjà plus d'une trentaine de morts et une centaine de blessés par balle.

En dépit de la montée de la violence aux Gonaïves, le Président de la République persiste et signe. Jean Bertrand Aristide annonce qu'il se présentera dans la Cité de l'Indépendance pour s'adresser à la population le 1er janvier 2004 qui marquera le bicentenaire de création de la nation haïtienne. Des mesures ont été prises en ce sens pour assurer la sécurité du Chef de l'Etat et des délégations qui participeront aux festivités. Outre l'effectif de la PNH qui est renforcé, des militaires sud-africains lourdement armés sont présents aux Gonaïves en attendant l'arrivée du Président Thabo Mbeki.

La présence sur le sol haïtien de soldats étrangers armés soulève la contestation des membres du Front Anti-Aristide qui, à plusieurs reprises, ont appelé la population des Gonaïves à rester mobilisée pour obtenir le renversement de Jean Bertrand Aristide. Ils annoncent diverses manifestations hostiles au régime Lavalas durant cette semaine de célébration du Bicentenaire de l'Indépendance. Certains d'entre eux ont même menacé de se suicider le 1er janvier 2004 au cas où le président Aristide mettrait les pieds aux Gonaïves.

                                
Affichées le vendredi 26 décembre 2003
                               
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Haiti, naufrage et tueur à gages

PORT-AU-PRINCE, HAITI 26 déc.- L’exécution de « Cubain », un caïd et bras armé du président Jean-Bertrand Aristide, a provoqué des émeutes meurtrières et révélé les écueils d’une démocratie kidnappée, deux cents ans après l’indépendance de l’île.

Gonaïves et Port-au-Prince envoyé spécial Ce fut une journée sans soleil. Et sans lune. » C’est sa façon à lui, Butteur Métayer, de raconter le jour où on lui a annoncé la mort de son frère, Amiot, dit « Cubain », assassiné le 21 septembre.

Butteur a appris la nouvelle par téléphone : il était à Miami, chez la mère, exilée. Le cadavre d’Amiot venait d’être retrouvé dans un champ, non loin de Gonaïves, la troisième ville d’Haïti. Le crâne ouvert, le coeur arraché, les yeux explosés par des balles. Butteur a fait « tourner les tables », à la façon du pays, et trouvé les noms des assassins de son frère.Les tables, dit-il, ont désigné le Palais national où siège Jean-Bertrand Aristide, le président tout-puissant d’Haïti, l’ex-« prêtre des bidonvilles » qui suscita tant d’espoirs à la fin des années 80. Espoirs vite déçus. Aristide a saboté à son profit la transition démocratique. Son régime est aujourd’hui sur les listes les plus noires des droits de l’homme en Amérique latine.

« Amiot, assassiné ! Aristide, criminel ! », crie un gamin des rues de Raboteau, le grand quartier populaire des Gonaïves. Presque un bidonville, de dizaines de milliers d’habitants. La plupart des maisons basses, d’une pièce ou deux, où s’entassent des meubles de fortune, sont construites en dur, mais certaines cases sont encore de bois et de tôles, dans des dédales de boue. Les caniveaux servent d’égout, mais les rues principales sont pavées. Sauf que bien des pavés ont récemment été arrachés pour en faire des barrages aux principaux carrefours et empêcher les 4x4 de la police de pénétrer dans le quartier. Depuis l’assassinat d’Amiot Métayer, les émeutes ont fait une trentaine de morts à Raboteau.

De l’organisation populaire au gang armé « Cubain » était le caïd du coin, le chef de l’Armée cannibale, l’organisation populaire (OP) de Raboteau. Les OP ont été créées à la fin de la dictature, pour tenter de réveiller la démocratie au niveau des quartiers. Nombre d’entre elles ont tourné aux gangs armés, se chargeant du sale boulot pour le compte du pouvoir : saccages de locaux de l’opposition, contre-manifestations, tabassages d’opposants, voire meurtres... L’Armée cannibale d’Amiot Métayer était de celles-ci. « Depuis sa première élection, en 1990, nous avions toujours travaillé pour Aristide, affirme Winter Etienne, un des lieutenants de Cubain. Nous avions choisi le nom d’"Armée cannibale" pour mieux faire peur aux opposants. Quand il le fallait, nous allions les "fouetter". »

Ce large gaillard qui fait rouler ses muscles sous son tee-shirt affirme pouvoir disposer, avec les OP « alliées », de plusieurs centaines d’hommes, armés. Mais il jure que son chef assassiné « n’a jamais participé » au moindre assassinat politique.

Raboteau et sa cité, Gonaïves, avaient allumé la mèche des émeutes qui ont fait tomber Jean-Claude Duvalier, en 1986. Plus tard, le quartier a acquis une réputation de résistant à la clique militaire qui avait renversé le premier gouvernement d’Aristide, en 1991. Une nuit, à l’époque, l’Armée cannibale avait même pris un avant-poste de l’armée à Gonaïves, pour y voler des armes. Pour échapper aux militaires, Amiot Métayer et sa famille avaient finalement dû suivre Aristide en son exil américain provisoire.

« Aba Aristid » et « Aristid kriminèl » sur les murs des cases de Raboteau

Raboteau a donc longtemps été un des fiefs électoraux du Président. En échange du pactole des voix de son quartier, Amiot Métayer avait carte blanche sur les trafics petits et grands de la zone. « C’est nous par exemple qui proposions les noms pour nommer le directeur des douanes », affirme Winter Etienne. Les douanes et le port de Gonaïves sont les principales activités économiques de la région. Ce jour-là, quatre petits cargos à bout de souffle mouillent dans la baie. C’est beaucoup à l’échelle d’un des pays les plus pauvres du monde. « Amiot Métayer servait d’intermédiaire dans les formalités de dédouanement, explique une ancienne connaissance de « Cubain ». En gros, il touchait sur tout ce qui se déchargeait des bateaux. » Cet argent, il en faisait profiter les hommes de son Armée cannibale, mais aussi le reste du bidonville, distribuant les billets ici et là, versant à la cantine des écoles, pour les enfants les plus démunis, et aidant tel petit commerçant ou petit pêcheur dans une mauvaise passe. C’est en tout cas la version que tentent aujourd’hui de faire passer ses proches, la version light, celle d’un « protecteur » bienfaisant du quartier. Qui ferait oublier celle du porte-flingue au service du Palais.

Sur les murs des cases de Raboteau les « Aba Aristid » et autres « Aristid kriminèl » ont remplacé, en créole, les « Viv Aristid » enthousiastes des années passées. Butteur Métayer a repris les rênes de l’Armée cannibale, rebaptisée du jour au lendemain Front de résistance de l’Artibonite ­ du nom du département des Gonaïves ­ dont l’objectif est de lutter contre Aristide. « Nous voulons que justice soit faite pour la mort de mon frère, que le président Aristide s’en aille. Nous n’avons rien à perdre, de toute façon nous sommes des hommes morts... En tout cas nous sommes prêts à mourir pour ça. » Butteur fait visiter la maison familiale à moitié calcinée lors des incursions récentes de la police. Sur la façade, un large bandeau noir clame les noms des assassins : « Aristid, Odonel, Awol Adekla... » Jean-Bertrand Aristide, le Président, donc. Odonel Paul, un lieutenant de Cubain qui l’a trahi en l’attirant dans le piège le 21 septembre. Il a disparu depuis, avec, en poche, 25 000 dollars haïtiens, moins de 2 500 euros, payés, dit-on, par le Palais national. Et Harold Adeclat, le commissaire de la ville : un témoin clé l’aurait vu « arrêter » Amiot Métayer ce jour-là, juste avant l’assassinat. Depuis, le commissaire a été « exfiltré » de la ville et nommé à la Direction générale de la police à Port-au-Prince. Il a sauté quatre échelons dans la hiérarchie.

Mais pourquoi Aristide aurait-il voulu se défaire d’un de ses hommes de main les plus fidèles, à la tête, qui plus est, de dizaines de milliers de votes captifs ? « Mon frère a été victime des pressions internationales sur Aristide », affirme Butteur. Depuis l’année 2000 et des élections législatives aux urnes bourrées, le régime aristidien est au ban de la communauté internationale. 500 millions de dollars de prêts sont gelés, plus d’une année de budget haïtien.

Dans ses résolutions, l’OEA, l’Organisation des Etats américains, sorte d’ONU continentale, réclame la fin de l’insécurité politique et notamment la mise au pas des gangs armés, « cannibales » et autres OP au service d’Aristide pour bastonner l’opposition. L’ambassadeur américain aurait d’ailleurs réclamé directement à Aristide l’arrestation d’Amiot Métayer. De fait, « Cubain » a passé un mois au cachot, en juillet 2002. Avant que ses hommes ne le libèrent en faisant péter le mur de la prison des Gonaïves à coups de bulldozer ­ ses méthodes à lui. « Après sa libération, Amiot avait fait savoir qu’il en savait beaucoup et qu’il parlerait si jamais on l’arrêtait à nouveau », explique Winter Etienne. « Le pouvoir a sans doute eu peur de ce que savait Amiot Métayer », confirme la responsable d’une ONG des droits de l’homme qui travaille sur la ville de Gonaïves. « Cubain » en savait beaucoup, entre autres, sur l’assassinat de Jean Dominique.

Quatre balles dans la peau Jean Dominique était plus qu’une star du journalisme local. Directeur de la station Radio Haïti Inter, une des plus écoutées du pays, il était devenu une véritable figure du monde politique, aux commentaires très critiques pour le pouvoir en place. Certains voyaient même en lui un possible candidat à l’élection présidentielle de novembre 2000. En tout cas il n’en aura pas eu le temps. Il a été abattu de quatre balles dans la peau le 3 avril 2000, dans la cour de sa radio. Deux ans plus tard, sa veuve, qui avait repris les rênes de la station, échappait à son tour à une tentative d’attentat ­ mais pas son garde du corps. Elle a pris le chemin de l’exil après avoir définitivement fermé Radio Haïti Inter. Depuis, un juge chargé de l’affaire a démissionné sous les menaces, son successeur est en exil. Deux témoins clés ont été victimes d’accidents fâcheux. Le corps de l’un d’eux a même disparu de la morgue... Les procès sont rares à Haïti. Les hommes politiques et les journalistes ne sont pas les seules cibles des hommes de main du pouvoir. Pierre Espérance dirige la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens. Un jour de mars 1999, sa voiture a été suivie puis criblée de balles. Une lui a traversé le biceps, une autre la rotule. « Depuis ? Rien, pas de nouvelles, l’enquête suit son cours comme on dit ici. Notre pays est devenu, ou est resté, celui de l’impunité, du mensonge et de la vassalisation de l’Etat. La situation n’est pas telle qu’elle était sous la dictature : il reste un espace de liberté d’expression, disons que celle-ci est partiellement respectée. Mais pour le reste... La police est politisée, la justice au service de l’exécutif, lequel s’appuie sur les gangs. »

Outre les ravages des OP comme celle de l’ex-Armée cannibale, l’association de Pierre Espérance dénonce, rapport détaillé à l’appui, les sévices des sinistres « attachés » qui sévissent dans les commissariats au titre d’« informateurs de police » et seraient responsables de meurtres, assassinats, viols, vols... Le gouvernement Aristide nie évidemment toute implication dans ces « faits divers », assassinats et bastonnades, qui jalonnent presque quotidiennement la vie politique haïtienne. Il accuse au contraire la communauté internationale qui, en suspendant les prêts, l’empêche financièrement d’assurer la sécurité dans les rues du pays.

A Gonaïves, le quartier de l’OP de feu Amiot Métayer est de toute façon sur le pied de guerre. Dans la « cité de l’Indépendance », où fut proclamée le 1er janvier 1804 la Constitution, Jean-Bertrand Aristide doit célébrer en grande pompe le bicentenaire de la naissance d’Haïti. Mais depuis la mort de « Cubain », les travaux, sur la place de la mairie, sont paralysés par les menaces. Winter Etienne sourit : « On l’attend, Aristide. Qu’il vienne. C’est ici, à Gonaïves, qu’on l’arrêtera. »

Jean-Hebert ARMENGAUD

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Jean-Bertrand Aristide, un président controversé

PORT-AU-PRINCE, HAITI, déc. 26 - Jean Bertrand Aristide, 50 ans, président d’Haïti de 1991 à 1996 et dont un deuxième mandat s’achève en 2006 domine la vie politique haïtienne depuis 1990 de sa personnalité charismatique mais de plus en plus contestée. Depuis son entrée en politique en 1985 comme jeune prêtre engagé, au verbe créole enflammé, partisan de la théologie de la libération et adversaire résolu de duvalier, il a surmonté plusieurs épreuves, servi par la chance et son habileté à jouer sur les rapports de force.

Mais celle du désenchantement de ses partisans et de la colère d’une partie de l’opinion depuis plusieurs mois est la plus grave qu’il ait eue à affronter. Fragilisé, face aux accusations de "pratiques dictatoriales" de ses détracteurs qui réclament sa démission lors de manifestations à répétition à Port-au-Prince et en province, il affiche sa détermination à terminer son mandat et a appelé ses partisans à la mobilisation.

Son parcours a été mouvementé. Après avoir échappé à plusieurs tentatives d’assassinat de ses ennemis et militaires, Jean Bertrand Aristide est exclu en 1988 par la hiérarchie catholique de l’ordre des Salésiens pour "incitation à la haine et à la violence et exaltation de la lutte des classes".

Deux ans après, soutenu par la base de l’Eglise engagée, les "Ti l’église" et par des millions de pauvres des bidonvilles et des campagnes, il est triomphalement élu à la présidence au nom du rejet des "tontons macoutes" et d’un nationalisme progressiste et populiste ouvertement anti-américain.

Huit mois après sa prise de fonctions, il est renversé le 30 septembre 1991 par un coup d’Etat militaire sanglant du général Raoul Cédras, chef de l’armée.

Exilé au Venezuela, puis à Washington, il galvanise la diaspora haïtienne pour faire pression sur l’administration américaine, qui finit par intervenir militairement à Haïti avec 20.000 hommes.

Revenu au pouvoir en octobre 1994 grâce aux Etats-Unis - dont il considérait avant son élection "l’impérialisme plus dangereux que le sida" -, Jean Bertrand Aristide n’oublie pas ses options progressistes et, après la dissolution de l’armée, reconnaît Cuba à la veille de quitter le pouvoir le 7 février 1996.

Né le 15 juillet 1953 et relevé de ses voeux par une dispense vaticane, l’ancien prêtre des bidonvilles devient père de famille après son mariage en janvier 1996 avec une avocate américano-haïtienne de 33 ans, Mildred Trouillot, dont il a eu deux filles.

Malgré son retrait du pouvoir, il domine toujours la scène politique et garde sous tutelle son dauphin, René Préval, de 1996 à 2001. Son mouvement Lavalas (l’avalanche en créole) subit toutefois d’importantes défections. L’opposition a accusé M. Aristide et son entourage d’être impliqués dans des assassinats politiques, des enrichissements illicites et d’être mêlés à des trafics de drogue. Des accusations qualifiées de "calomnies" par M. Aristide.

Se disant toujours progressiste mais à partir d’un programme d’alliance avec le patronat à l’accent néo-libéral, il se présente comme l’homme de la "renaissance" d’Haïti et est réélu en novembre 2000 à la présidence pour un dernier mandat de cinq ans (février 2001-février 2006), la Constitution qu’il n’a pu réussir à modifier lui interdisant de se représenter.

                                        
Affichées le mercredi 24, décembre 2003
                  
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Vers le choas

Deux cents ans, et tout ce sang... Le 1er janvier 2004, Haïti n’aura guère le cœur à fêter le bicentenaire du premier Etat noir indépendant, né au lendemain de la déroute d’un corps expéditionnaire venu, sur ordre de Napoléon, rétablir l’esclavage dans cette colonie indocile de la Caraïbe. Défié par les élites et les campus, le président Jean-Bertrand Aristide s’échine à étouffer la rébellion, quitte à lâcher des cohortes de « chimères », nervis recrutés dans les bidonvilles de Port-au-Prince. En trois mois, on a dénombré au moins une trentaine d’assassinats politiques. De Cap-Haïtien (nord) à Jacmel (sud-est), la province gronde elle aussi. A Gonaïves, la « cité de l’indépendance », la liquidation en septembre d’Amiot Métayer, chef d’un gang jusqu’alors acquis au régime, a plongé le quartier de Raboteau dans l’insurrection. D’autres défections minent le pouvoir. Deux ministres, outrés par la brutalité de la répression, ont démissionné.

L’ambassadeur à Saint-Domingue a fait de même. Tandis que deux sénateurs, dont l’influent Dany Toussaint, quittaient avec fracas le mouvement Lavalas, socle de la nébuleuse aristidienne. Celle-ci parvient encore à mobiliser les gueux et les désœuvrés, sourds aux appels du « groupe des 184 », mosaïque émanant de la société civile, où le patron prospère côtoie le syndicaliste paysan ou la militante féministe. Mais il ne suffit plus, pour le prêtre défroqué, de miser sur les traditions fractionnistes de l’opposition. Seule une fuite en avant violente peut sauver un mandat censé courir jusqu’en 2006. L’ancien curé salésien n’a pas renié que ses vœux. Il a aussi bafoué les promesses semées jadis au gré d’homélies incandescentes. Si le « messie des pauvres » vacille sur son piédestal, la misère, elle, se porte à merveille. Tout comme la corruption, le chômage, le sida et le trafic de cocaïne. L’élu populiste a vidé de leur sens les valeurs dont il truffe ses harangues. Justice, dignité, démocratie, fraternité, tolérance : tout ici sonne creux. L’espérance de vie du Haïtien atteint à peine 50 ans. Celle du régime se compte en mois. Aristide symbolisait l’espoir d’un peuple asservi. Il incarne la dérive despotique d’une clique guettée par l’autisme. Lui ou le chaos, menace le dernier carré des fidèles. Lui et le chaos, rétorque la rue.

Vincent Hugeux

Reimprimé du jounal l'Express du 25 décembre 2003

                                                
Affichées le 23 décembre 2003
                 
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Un jeune manifestant de l'opposition soigné aux Etats-Unis

PORT-AU-PRINCE, déc. 22 (AFP) - Un jeune manifestant de l’opposition haïtienne est soigné depuis samedi aux Etats-Unis, après que des policiers lui eurent administré à la mi-décembre une piqûre d’un liquide inconnu, a-t-on appris lundi auprès d’une organisation de défense des droits de l’homme.

Josué Alcéna, 21 ans, avait participé le 15 décembre à une manifestation étudiante à Port-au-Prince. Interpellé par des policiers, il avait reçu avant d’être relâché une injection sous-cutanée d’un liquide de couleur jaunâtre. Ce traitement a suscité une grande émotion dans les milieux étudiants et a été vivement condamné par les organisations de défense des droits humains.

Au moment de son départ pour les Etats-Unis, Josué Alcéna avait le bras douloureux et gonflé, a précisé à l’AFP Yolène Gilles, une des responsables de la Coalition Nationale des Réfugiés Haïtiens (NCHR) qui a, avec plusieurs médecins, rendu possible le voyage du jeune homme.

Des analyses vont tenter de déterminer aux Etats-Unis la nature du liquide injecté.

Des responsables gouvernementaux ont démenti tout mauvais traitement et mis en cause une campagne de "désinformation systématique et de rumeurs abracadabrantes".

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Haiti veut sortir des années Aristide

A la veille de l’anniversaire du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, Pierre-Michel Joassaint, jeune énarque ayant fait ses études en France, attend. Il est à l’image de son pays : désoeuvré, malheureux, inquiet. Et pourtant, il sait, tout au fond de lui, qu’existe un génie propre à sa terre, capable, peut-être, de renverser les montagnes : « Même le 31 décembre 2003 à minuit moins dix, je resterai optimiste. Sinon, il y a longtemps que j’aurais mis la clef sous la porte. »

Mais, pour l’heure, il dresse un tableau plutôt sombre de la situation : « Ici, nous perpétuons le système colonial. Peut-être une vieille résurgence de l’esclavage. Il faut toujours et encore dominer sur autrui, conquérir ou conserver le pouvoir. Quand donc parviendra-t-on à casser cette mentalité ? »

Car le pouvoir, estime le jeune homme qui cherche ses mots, aspirant maintenant une longue gorgée de jus de mangue, est aujourd’hui le meilleur moyen de s’enrichir. « Nous n’avons jamais été à ce niveau-là de corruption. C’est révoltant ! Autrefois, on volait, mais on s’en cachait. Désormais, il n’y a même plus de honte. C’est devenu le sport national. Il suffisait d’entendre, il y a peu, un sénateur du mouvement Lavalas, au service du président Aristide, se rebeller ouvertement contre cette dérive. »

Dans un hôtel de Port-au-Prince, la capitale, en un coin discret des salons de réception, Dany Toussaint, un autre sénateur Lavalas, qui vient de rompre avec le parti, confie son amertume. L’homme semble détendu, malgré le danger qu’il est en train de courir. Pourquoi cet ancien responsable du service de renseignement pour la sécurité rapprochée du président a-t-il publiquement averti Aristide que, si rien ne changeait, il ne restait pour ce dernier que « l’exil, la prison ou le cimetière » ? Dans une récente affaire de « prise d’otages » par la police au pénitencier national, le pouvoir a, selon lui, dévoyé le système judiciaire. « Alors, cela a révolté ma conscience », explique Dany Toussaint qui se fait fort de rétablir l’ordre dans le pays après la chute d’Aristide, au cas où...

L’affaire en question ? C’était le 14 novembre dernier. De plus en plus influent en Haïti, le Groupe des « 184 », composé de chefs d’entreprise, d’avocats, de médecins, d’artistes, d’agriculteurs, avait organisé une manifestation sur le Champ-de-Mars, à Port-au-Prince. Les autorités avaient promis qu’elles la laisseraient se dérouler sans entrave. Mais dans les heures qui suivaient, toutes les rues menant au rassemblement étaient bloquées. La police arrêtait alors deux personnalités du mouvement « pour détention illégale d’arme à feu » : Charles-Henry Baker, vice président de l’association des industries d’Haïti (ADIH), beau-frère d’André Apaid, et le second, son neveu.

Or, qui est André Apaid ? Depuis peu, son nom circule un peu partout. Une personnalité pressentie par beaucoup comme une alternative après la chute éventuelle du président Aristide. « Andy » pour les intimes, est, ces jours-ci, très protégé par ses amis. Derrière les hautes grilles peintes en bleu de l’usine de textile qu’il dirige, voici deux grands bâtiments en dur, bien gardés. Il faut montrer patte blanche. «

Depuis un an, plus de 40 journalistes ont quitté le pays sous les menaces »

Mais une fois franchies les barrières de protection, ce chaleureux chef d’entreprise reçoit ses visiteurs en chemise et jean : « Les précautions à prendre sont à l’échelle des menaces », précise l’homme, ajoutant, dans un large sourire, en détachant chaque mot : « Je suis fermement optimiste. C’est la dernière dictature que nous connaissons. Le contrat social, auquel je crois, prône un minimum consensuel. Aujourd’hui, la sagesse nationale se fait jour. Jusqu’alors, on nous tournait le dos car nous étions, nous les 184, des possédants. Aujourd’hui, toutes les classes sociales veulent se parler, comme jamais encore dans notre Histoire. Cela fait chaud au coeur. Et c’est le meilleur antidote contre le message de haine du pouvoir Lavalas. »

André Apaid prend-il ses désirs pour des réalités ? Ils sont nombreux, les Haïtiens, à douter encore de ce consensus capable, tel un immense cyclone, de balayer la dictature orchestrée par l’ancien prêtre salésien, adepte de la « théologie de la libération », qui se prenait pour un prophète venu sauver le pays de l’ère des « Tontons macoutes ». « Apaid va être pris en otage, à cause de la pression exercée sur lui. Il est parmi les meilleurs. Mais les paramètres sont mauvais car les esprits sont polarisés. J’ai peur que le film auquel on est en train d’assister ne finisse dans le sang et les larmes. Je pense qu’on n’a encore rien vu », confie sur une plage de « l’Ile-à-Vache » où il est venu se reposer du stress de la capitale, cet autre chef d’entreprise qui souhaite conserver l’anonymat, à cause des risques de kidnapping, de plus en plus fréquents.

Il ne se trompait pas. Quelques jours plus tard, le monde étudiant s’embrasait, après une manifestation à Port-au-Prince. Des affrontements très violents faisaient plus de vingt blessés autour de la faculté des Sciences humaines, et le recteur Paquiot avait les jambes brisées à coup de barre de fer. Selon un diplomate présent par hasard sur les lieux, la police empêchait volontairement une ambulance de la Croix-Rouge haïtienne d’intervenir.

Aussi, un mouvement s’est-il amorcé, désormais irrépressible, que le président Aristide ne contrôle plus : « Devant la menace qui pèse sur tout le monde, un rapprochement s’est opéré entre la société civile et le secteur politique », constate l’ancien sénateur socialiste Paul Denis, permanent politique de l’OPL (Organisation du peuple en Lutte), un des partis, avec le « Kid », « Haïti capable », « Génération 2004 », « Pampra » et quelques autres, composant « la Convergence » de l’opposition.

Dans sa vieille maison d’architecture coloniale de Port-au-Prince, cet intellectuel de 61 ans demeure serein : « Je me considère comme en sursis. Je ne me pose pas la question de savoir quand se présentera l’exécuteur. Si l’on ne parvient pas à faire cet exercice mental, ce sera notre défaite. Mais j’avoue que c’est la première fois que je vis ce genre de situation avec une telle intensité. »

Romantisme exagéré ? Les Haïtiens sont volontiers lyriques. Mais la répression anarchique ne laisse pas d’inquiéter : « Depuis un an, plus de quarante journalistes ont quitté le pays sous les menaces. Les affaires déclinent, le budget soumis à l’assemblée n’est plus que de 400 millions de dollars cette année alors qu’il était de 700 millions en 1996-1997, tandis que la gourde, monnaie locale, ne cesse de dégringoler », poursuit Paul Denis qui dénonce aussi le déficit abyssal de la balance commerciale.

Quelle solution miracle, quel homme providentiel pourrait-on voir surgir ? Sans réponse sûre, les plus réalistes se tournent vers la communauté internationale, et en particulier vers les États-Unis qui avaient remis Aristide en selle en 1994. Mais pour l’heure, les Américains se contentent de « déplorer la violente répression des manifestations politiques » face à des rassemblements « légitimes et pacifiques ».

Quant à la France, on ne peut douter de ses bonnes intentions. Elle ne veut pas entendre parler de « la dette » qu’elle devrait aux Haïtiens, depuis le temps de l’esclavage, il y a deux cents ans. Mais c’est bien en France - terre d’accueil - que devaient être évacuées ces jours-ci de toute urgence deux jeunes femmes victimes du harcèlement sexuel d’un très haut personnage de l’État haïtien. Et c’est bien la France qui tient à le faire savoir.

Paul Juvenelle

Reimprimé du journal LaCroix du 22 décembre 2003.

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Aristide s'accroche au pouvoir

Une nouvelle fois, Haïti s’installe dans le chaos. Partisans et adversaires de Jean-Bertrand Aristide s’affrontent presque quotidiennement dans les rues de Port-au-Prince et des principales villes du pays depuis plus d’un mois. Les victimes de ces heurts de plus en plus sanglants se comptent par dizaines. Le prêtre défroqué qui dirige le pays depuis 1990 (*) veut recevoir le 1er janvier prochain des chefs d’Etat africains qui « célébreront » avec lui le bicentenaire de la République d’Haïti, qui fut le premier Etat indépendant noir de l’humanité.

L’opposition dénie ce droit à M. Aristide, car jamais le pays n’a connu pareille misère (avec 400 euros de PIB par habitant, Haïti est l’Etat le plus pauvre des Amériques) et, surtout, jamais ses institutions n’ont été aussi affaiblies, dévoyées. Elle veut donc obtenir, avant ce jour symbolique, le départ du chef de l’Etat qui maintient le pays sous sa coupe, en armant des bandes de voyous des bidonvilles, et en terrorisant la population.

Cette opposition qui s’est baptisée « Groupe des 184 » regroupe toutes les élites du pays : intellectuels et artistes, hommes d’églises, chefs d’entreprises, syndicalistes, politiciens, étudiants et défenseurs des droits de l’homme. Mais elle ne mobilise pas les 80% de Haïtiens vivant dans la précarité absolue.

Ce lundi, après une courte pause, les affrontements vont reprendre dans la capitale. André Apaid, un homme d’affaires qui dirige le « Groupe des 184 », a demandé à la population de descendre dans la rue, pour une nouvelle « manifestation de masse » contre le pouvoir. Le scénario de la journée est tristement prévisible : les « chimères », les bandes de voyous pro-Titid (payées par Aristide), allumeront des incendies de pneumatiques aux principaux carrefours, afin de bloquer la circulation et de décourager les contestataires. Puis, sur le « Champ-de-Mars », le seul parc au coeur de la ville, l’endroit symbolique du pouvoir en Haïti car on y trouve le palais national, ces « chimères » bombarderont les protestataires sous des « pluies de roches », et la police aux ordres du pouvoir, tirera des gaz lacrymogènes, voire des balles, sur ceux qui ne se disperseront pas assez vite. Les affrontements sont de plus en plus violents. Car les positions, des deux côtés, sont très radicalisées.

Dans le camp de Jean-Bertrand Aristide, c’est la débandade. Trois ministres et un haut fonctionnaire ont déjà abandonné son gouvernement, ainsi que Guy Alexandre, une figure respectée, qui était l’ambassadeur d’Haïti dans le pays voisin de la République dominicaine. Deux sénateurs, Prince Pierre Sanson et Dany Toussaint, ont quitté le parti présidentiel Lavalas. Enfin, à Jérémie, le curé de la paroisse Sainte-Hélène, le père Joachim, a appelé M. Aristide à se regarder dans un miroir « pour voir le monstre qu’il était devenu ».

Le 12 janvier prochain, l’Assemblée nationale sera dissoute, les deux tiers des sénateurs perdront leurs sièges. Faute d’élection, Jean-Bertrand Aristide se retrouvera sans représentation nationale. L’homme, qui après avoir abandonné l’Eglise a jeté aux orties tous ses principes, veut s’accrocher au pouvoir jusqu’en 2006, la fin théorique de son mandat présidentiel.

Sous la pression des Etats-Unis qui lui ont clairement intimé l’ordre de lâcher du lest, le chef de l’Etat a repris l’idée d’un compromis avec l’opposition, suggéré il y a trois semaines par la Conférence épiscopale, l’organe directeur de l’Eglise catholique en Haïti. Ce projet consistait à doter le chef de l’Etat d’un Conseil de neuf membres, composé de représentants désignés par la Cour de cassation, le parti Lavalas au pouvoir, la Convergence démocratique (le « Groupe des 184 »), les autres partis d’opposition, les Eglises catholique, épiscopale, protestantes, le patronat et les organisations des droits de l’homme. Ce Conseil aurait été doublé d’un « Conseil électoral consensuel », désigné par les mêmes organisations, chargé de préparer des élections législatives et sénatoriales en 2004. « Il est tard », mais il « faut combler le vide » né le 12 janvier de la fin de la législature, s’est soudain rappelé un M. Aristide.

Trop peu, trop tard ? La Conférence épiscopale, qui avait fait cette proposition, a depuis réclamé la démission du président Aristide sans conditions ni négociations. Et les autres forces d’opposition sont au diapason.

Car le 5 décembre dernier, en envoyant ses milices faire tabasser et blesser par balles une vingtaine d’étudiants, Jean-Bertrand Aristide a révélé une nature tyrannique, qui ne laisse plus d’espoirs.

François Hauter

Reimprimé du journal LeFigaro du 22 décembre 2003.

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Arrivée d'un navire de support logistique sud-africain

PORT-AU-PRINCE, déc. 23 (AFP) - Un navire de support logistique de la marine sud-africaine, le "SAS Drakensberg", est arrivé lundi à Port-au-Prince dans le cadre de la participation du président sud-africain Thabo Mbéki aux cérémonies de commémoration du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, a constaté l’AFP.

Une délégation officielle haïtienne conduite par le ministre de l’Intérieur, Jocelerme Privert, s’est rendue à bord avant que le commandant du navire et ses officiers ne se rendent à terre pour une brève cérémonie au cours de lequelle M. Privert leur a souhaité la bienvenue.

Ce navire doit apporter une aide logistique à l’importante délégation sud-africaine qui assistera aux cérémonies du bicentenaire, le 1er janvier 2004, et qui comprendra outre le président Mbéki, la ministre sud-africaine des Affaires Etrangères, Mme Nkosazana Dlamini-Zuma.

                              
Affichées le jeudi 18 décembre 2003
                  
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Grève des médecins après un voil dans une maternité par deux hommes armés

PORT-AU-PRINCE, 18 déc. (AFP) - Les personnels médical et infirmier de l’hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti (HUEH) observent depuis mercredi une grève de 48 heures pour protester contre l’intrusion d’hommes armés dans l’hôpital et le viol d’une patiente dans une maternité par deux individus.

Dans son édition de jeudi, le quotidien Le Nouvelliste précise que le viol de cette patiente, âgée de 21 ans et dont l’identité n’a pas été révélée, a eu lieu le 12 décembre vers midi dans la cour même de la maternité Isaïe Genty de Chancerelles, dans le nord de Port-au-Prince, au moment où elle se rendait aux toilettes. Les deux agresseurs étaient armés de revolvers.

"Le viol a eu lieu peu de temps après que des hommes armés se présentant comme des partisans du chef de l’Etat eurent pénétré dans la cour de l’hôpital (de l’Université d’Etat d’Haïti) emportant avec eux un fusil de chasse affecté au service de sécurité de l’établissement et son unique ambulance", rapporte le quotidien.

Dans un communiqué, les médecins des différents centres du pays ont qualifié ces intrusions de "tableau sombre et révoltant".

Par ailleurs, une voiture de police a apporté sans explications jeudi matin dans la cour de l’hôpital Saint François de Salles, dans le centre de Port-au-Prince, le corps d’un homme recouvert d’un drap blanc qui a été déposé à terre. L’hôpital s’est refusé à tout commentaire à propos de cette affaire.

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Violences en Haiti: condamnation de l'Assemblée de la Francophonie

PARIS, 18 déc (AFP) - 18/12/2003 18h37 - L’Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) a condamné jeudi "la violence avec laquelle les manifestations des étudiants et responsables universitaires ont été réprimées en Haïti", appelant les autorités haïtiennes à créer "un environnement sécuritaire" pour la tenue d’élections législatives dans le pays.

Dans un communiqué, publié jeudi à Paris, l’APF "s’indigne en particulier de l’agression dont a été victime le recteur de l’Université de Port-au-Prince et demande au gouvernement d’exercer un contrôle rigoureux sur l’activité des forces de police, de dissoudre les +chimères+, bandes armées irrégulières entretenant la violence sur l’île".

"Conformément à la résolution 822 de l’Organisation des Etats américains, les élections législatives ne pourront être organisées qu’après l’instauration d’un +environnement sécuritaire+", souligne l’APF.

Elle demande au gouvernement haïtien de "réunir au plus vite les conditions permettant la tenue d’un scrutin libre, fiable, transparent et observé par la communauté internationale, préalable indispensable à la levée de la mise sous surveillance du Parlement haïtien", décidée par l’Assemblée parlementaire de la Francophonie en 2001.

Droits d'auteur Agence France-Presse

                   
Affichées le mercredi 17 décembre 2003
                     
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La peur semble avoir changé de camp

"Le départ d’Aristide ne devrait pas tarder. Le pays est en rébellion. A part le lumpen, tous les secteurs réclament son départ et les Américains se sont rendu compte qu’Haïti est ingouvernable avec Aristide", analyse Rony Smarth, qui fut premier ministre au milieu des années 1990. Le conflit qui oppose le pouvoir Lavalas du président Jean-Bertrand Aristide et l’opposition, et qui paralyse Haïti depuis les élections contestées de 2000, semble approcher de son dénouement.

Divisée en multiples partis dont la représentativité reste à démontrer, affaiblie par la violente répression, l’opposition a été relayée par la société civile, vaste coalition où se côtoient chefs d’entreprise, féministes, étudiants, vaudouisants et syndicalistes. Longtemps réprimé par les "chimères" - les gangs armés du régime -, le raz le bol de la population broyée par une crise sans fin s’exprime dans les rues.

L’approche du bicentenaire de la première république noire, le 1er janvier 2004, a servi de catalyseur. Date importante dans l’histoire de l’humanité, commémorant la victoire de l’armée indigène sur les troupes napoléoniennes venues rétablir l’esclavage dans ce bout d’île qui fut la plus riche colonie française au XVIIe siècle, le bicentenaire est pour les Haïtiens l’occasion d’un sombre bilan.

Pays le plus pauvre des Amériques, Haïti n’a cessé de s’enfoncer dans la misère malgré le "rétablissement de la démocratie" par plus de 20 000 soldats américains qui ont ramené Jean-Bertrand Aristide au pouvoir en 1994, trois ans après un coup d’Etat. Le PIB par habitant, d’environ 400 euros par an, n’a cessé de dégringoler, de même que l’espérance de vie, qui dépasse à peine 50 ans. Le sida et la déforestation poursuivent leurs ravages.

Naïveté américaine quant à la conversion "démocratique" de Jean-Bertrand Aristide durant son exil washingtonien ? Souci de se désengager dès que possible après le "succès" de l’intervention militaire ? Les Etats-Unis et le reste de la communauté internationale ont vite abandonné Haïti à ses querelles intestines sans parvenir à consolider les institutions. Or la police et la justice renforcées auraient sans doute permis d’enraciner la démocratie dans un pays où la classe moyenne a été laminée entre les miséreux et une élite très minoritaire.

"RESTITUTION" DE LA DETTE

Laissant les cartels de la cocaïne tirer parti de la situation géographique et du dépérissement d’Haïti, le département d’Etat s’est défaussé du problème haïtien sur la Communauté des Caraïbes (Caricom) et la République dominicaine qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti.

Appuyé par le Black Caucus - association américaine de députés noirs - et des lobbyistes chèrement rétribués, Jean-Bertrand Aristide manifeste un calme qui étonne ceux qui l’ont récemment rencontré. Il accuse "l’embargo économique" d’être responsable des difficultés d’Haïti, bien que Washington ait ordonné aux organismes financiers de débloquer leurs crédits depuis l’été dernier.

Il continue de réclamer plus de 21 milliards de dollars à la France, "restitution" de la dette qu’Haïti avait dû payer peu après son indépendance. Qualifiée de démagogique par les intellectuels et l’opposition, cette demande de réparations est présentée par le pouvoir comme la panacée qui permettrait de résoudre tous les maux du pays.

Le président dominicain Hipolito Mejia s’est félicité d’avoir reçu la semaine dernière la visite de Régis Debray, qui préside une commission de réflexion sur les relations franco-haïtiennes : "Cela montre clairement l’intention du président Chirac de venir en aide à ce pays frère" a-t-il déclaré.

Le célèbre intellectuel, en Haïti jusqu’au 21 décembre, doit répondre à une urgente question présidentielle : qui représentera la France aux cérémonies du bicentenaire ? A moins de quinze jours des célébrations, le programme reste flou, et seuls quelques chefs d’Etat africains, dont le Sud-Africain Thabo Mbeki, ont annoncé leur participation. Cuba, qui est avec Taïwan l’un des principaux bailleurs d’aide d’Haïti, pourrait envoyer Fidel Castro. A moins que l’histoire ne s’accélère une nouvelle fois.

Jean-Michel Caroit

*Reimprimé du journal Le Monde, le mercredi 17 décembre 2003.

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Après des mois de répression, les Haitiens réclament le départ de leur président

Malgré la violente répression exercée par la police et les bandes armées du régime, le mouvement de contestation visant le prési-dent haïtien Jean-Bertrand Aristide prend de l’ampleur. L’ancien "prophète des bidonvilles", élu président pour la première fois il y a tout juste treize ans (le 16 décembre 1990), apparaît de plus en plus isolé. Le mot d’ordre de l’opposition, de la société civile et de la jeunesse étudiante est désormais unanime : obtenir le départ d’un président déclaré "hors la loi" par une coalition d’organisations socio-professionnelles.

Après Cap-Haïtien et Gonaïves, deux villes du nord du pays où les manifestations ont fait une vingtaine de morts depuis septembre, la mobilisation antigouvernementale a gagné la capitale.

L’industriel André Apaid, qui anime le groupe des "184" organisations de la société civile, a annoncé la reprise des manifestations pour mercredi 17 décembre jusqu’au départ du chef de l’Etat. Répondant à un mot d’ordre de grève générale, la plupart des magasins, des écoles et des banques sont restés fermés mardi. Les vendeurs du secteur informel qui survivent au jour le jour n’ont pas cessé leurs activités. André Apaid a dénoncé une directive de la police interdisant les manifestations "sans avis préalable des autorités". Evans Paul, l’un des leaders de l’opposition, a qualifié cette mesure d’"état de siège déguisé".

"BARBARIE"

Pour la plupart des Haïtiens, le point de non-retour a été atteint vendredi 5 décembre lorsqu’un groupe de "chimères", les hommes de main armés recrutés par le pouvoir dans les bidonvilles, a violemment attaqué la faculté des sciences humaines où les étudiants manifestaient pacifiquement. Une trentaine de personnes ont été blessées, dont le recteur de l’université d’Etat d’Haïti, Pierre-Marie Paquiot, qui a eu les jambes brisées à coup de barres de fer. Des journalistes ont été agressés et les locaux de l’université saccagés.

"Nous avons vu la police absolument complice ouvrir la voie pour que les "chimères" attaquent", rapporte Michèle Pierre-Louis, qui dirige un centre culturel jouxtant la faculté. De l’ordre des avocats aux associations patronales, une pluie de communiqués a dénoncé "la barbarie lavalassienne -référence au parti Lavalas au pouvoir- d’un régime intrinsèquement dictatorial".

Le violent assaut contre les étudiants a provoqué des démissions en série : celle de la ministre de l’éducation nationale, Marie-Carmel Paul-Austin, de la ministre du tourisme, Martine Deverson, de l’ambassadeur d’Haïti en République dominicaine, Guy Alexandre, et enfin du directeur général du ministère de la santé publique, le docteur Charles-Emile Hérard. Deux influents sénateurs de la Famille Lavalas, le parti présidentiel, dont l’ancien officier Dany Toussaint, ont rejoint l’opposition.

Le "vendredi noir" a déclenché une vague de manifestations dont la plus importante a réuni des dizaines de milliers de personnes le 11 décembre à Port-au-Prince. Les unités d’élite de la police, épaulées par des "chimères", ont utilisé leurs armes à feu et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule à proximité du palais présidentiel, faisant plusieurs blessés par balles.

Au cours des jours suivants, les manifestations d’étudiants ont été violemment dispersées. Des enfants recrutés dans les bidonvilles et exhibant des armes à feu ont été vus aux côtés des "chimères". Au cri d’"Aristide pour cinq ans", ces enfants, surnommés les "cocorats", érigeaient des barricades de pneus qu’ils enflammaient et ils rackettaient les automobilistes de la capitale.

Jean-Michel Caroit

Reimprimé du journal Le Monde, le mercredi 17 décembre 2003.

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Haiti en danger

UN PAYS à l’agonie, un pays en rébellion ; un Etat en faillite et, à sa tête, un président honni. Y a-t-il une malédiction haïtienne ? Un mauvais sort qui s’acharnerait sur cette partie de l’île d’Hispaniola, en mer des Caraïbes, cependant que l’autre, la République dominicaine, se porte plutôt bien ? Vu d’avion, le contraste est net : côté haïtien, la misère d’une terre aride où la déforestation continue fait des ravages ; de l’autre, rizières, forêts, cultures maraîchères, etc.

Le 1er janvier, Haïti célébrera son bicentenaire. Ce devrait être une fête, celle de la naissance de la première République indépendante noire au monde. C’est un anniversaire en forme de deuil, celui d’un espoir continuellement déçu, trahi.

Ce jour-là, Haïti n’aura guère que des mauvaises nouvelles à "célébrer" : pays de près de huit millions d’habitants qui est la nation la plus pauvre des Amériques, sinon du monde ; pays ravagé par le sida, où ce qui reste d’économie est organisé autour du trafic de cocaïne ; pays où dictature et corruption au sommet de l’Etat sont tels que la communauté internationale a suspendu son aide. Un nom symbolise ce fiasco, le martyre que subit la population haïtienne et, encore plus, l’espérance foulée aux pieds : Jean-Bertrand Aristide. Il est le chef de l’Etat.

Aujourd’hui enfermé dans son palais, il subit les assauts conjugués d’une population en révolte ouverte contre son régime. Syndicats, patronat, groupes représentant la "société civile", partis d’opposition (ce qu’il en reste), presse libre (ce qu’il en subsiste), il n’est pas un secteur qui ne réclame le départ de "Titide". Grèves et manifestations pacifiques se succèdent. Elles sont réprimées dans le sang par les bandes de voyous - les "chimères" - opérant pour le parti au pouvoir, appelé la "Fanmi Lavalas" (la "Famille l’Avalanche", en créole). Mais le désaveu semble tel que, même chez les Lavalas, des défections se font jour.

Tout aurait dû se passer autrement. Apres le depart de Duvalier (1956-1986) puis quatre années de régime militaire, un immense espoir naît avec l’élection d’un jeune prêtre progressiste, le "curé des bidonvilles", Jean-Bertrand Aristide. Il incarne la lutte des pauvres ; son état, sa prêtrise, semble un gage de moralité dans un pays régulièrement pillé par ses dirigeants. Chassé en 1991 par un coup d’Etat militaire, il trouve refuge aux Etats-Unis.

Les démocrates américains l’adoptent - de Ted Kennedy à Jesse Jackson, en passant par le groupe parlementaire noir au Congrès. Mais l’homme que Washington remet à la présidence en 1994 n’est plus le même - à moins qu’il ait bien trompé son monde. Autoritaire et égomaniaque, défroqué et marié, il gouverne dès lors par la violence, s’appuyant sur ses bandes armées pour faire régner la terreur dans les quartiers, traquer l’opposition et de courageux journalistes.

Haïti sombre, à nouveau, dans le chaos fait de misère. La communauté internationale hérite d’un Etat en déroute. Haïti n’a cessé de connaître l’humiliation de la misère et de la violence. Il connaît aujourd’hui celle de la désespérance, de l’espoir trahi. La France, le monde, l’ONU par conséquent, ne peuvent rester indifférents. Il y a obligation d’assistance à population en danger.

Editorial

Reimprimé du journal Le Monde, le mercredi 17, 2003.

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Haiti: le bloc dénonce le silence d'Ottawa face à la crise qui secoue Haiti

La porte-parole bloquiste en matière d’Affaires étrangères, Francine Lalonde, estime que le Canada doit faire preuve de fermeté envers le président Jean-Bertrand Aristide. Selon Mme Lalonde, le gouvernement haïtien ne respecte pas ses engagements en matière de sécurité et de protection des droits de la personne.

« En ce moment, a affirmé en point de presse Mme Lalonde, il y a en Haïti cette peur qui est présente, parce qu’il y a des menaces, de la violence et surtout, comme l’ont dit tous les rapports et les enquêteurs qui sont allés là, parce qu’il y a impunité ».

L’intervention du Bloc survient au moment où en Haïti même, le mouvement contre le président Aristide prend de l’ampleur. Mercredi, la police a durement réprimé des manifestations étudiantes dans la capitale Port-au-Prince ainsi qu’à Jacmel, à Saint-Marc et à Cap Haitien.

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Aristide, le sauveur devenu dictateur

Haïti fut le premier pays proclamé indépendant d’Amérique latine. Le 1er janvier 2004, on devrait y fêter avec faste un bicentenaire lourd de sens pour cette terre émancipée de l’esclavage. Mais le contexte politique y est plutôt houleux. Et la communauté internationale regarde avec inquiétude ce territoire partir à la dérive. A la fin de la semaine passée, des manifestations ont encore fait monter la pression d’un cran.

Les huit millions d’Haïtiens vivent dans une pauvreté extrême. Leur niveau de vie figure en queue du peloton des nations avec un PIB par habitant de quelque 430 dollars. L’analphabétisme touche près de la moitié des gens. Et l’espérance de vie, actuellement située à 52 ans, ne cesse de dégringoler. Mais surtout, ce peuple fier sombre depuis quelques années dans une violence sans limite. Avec, pour cause principale, un espoir politique déçu : le « père des bidonvilles », Jean-Bertrand Aristide, est devenu un dictateur à la tête d’un régime cautionnant des pratiques mafieuses. Tel est le cri d’alarme lancé par une opposition fédérée au sein d’un « groupe des 184 » regroupant différentes catégories sociales avec, à sa tête, un homme d’affaires respecté, André Apaid. Cette opposition semble déterminée à obtenir un départ anticipé du père Aristide, dont le mandat vient normalement à échéance en 2006.

La crainte des « chimères »

Triste destinée que celle de Jean-Bertrand Aristide. Sous Duvalier père et fils, dans la seconde moitié des années 1980, il incarne la résistance et l’espoir. Jeune curé dans un bidonville de La Saline, il est imprégné à ce moment de la théologie de la libération et promet de tout faire pour aider le peuple à sortir du marasme économique. En 1990, ce « messie » remporte les premières élections libres. Chassé du pouvoir un an plus tard par un coup d’état militaire, il est réinstallé par les Etats-Unis en 1994.

Marié désormais, l’homme a changé de vue. Il se calfeutre dans une forteresse, dissout l’armée pour la remplacer par une police à ses ordres. Après qu’un de ses proches, René Préval, eut occupé la présidence pendant quatre ans, il revient en l’an 2000 lors d’un scrutin boycotté par l’opposition. Ses tendances autoritaires sont manifestes, symbolisée notamment par les « chimères », des bandes armées recrutées dans les bidonvilles, souvent liées au trafic de drogues. Il s’agit là d’un terreau pour une contestation légitimée désormais par l’impatience de la communauté internationale.

Les remous ont débuté en septembre suite à l’assassinat d’Amiot Métayer, un chef de bande prêt à faire des révélations embarrassantes pour le pouvoir. Plusieurs personnes ont alors été tuées lors de protestations réprimées à Gonaïves, là où fut proclamée l’indépendance. Les étudiants ont, depuis, pris la tête d’une fronde qui a déjà coûté la tête du ministre de l’Education, voici dix jours, après de nouvelles violences ayant blessé vingt-cinq manifestants. Le « groupe des 184 » semble désormais déterminé à obtenir le départ de ce prêtre ayant bafoué ses promesses.

Olivier Mouton

Reimprimé du journal La Libre, le 17 decembre 2003.

                                  
Affichées le mercredi 3 décembre 2003
                                   
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Haiti s'enfonce dans le choas à la veille du bicentenaire de l'indépendance

Saint-Domingue de notre correspondant - Jean-Robert Lalane, porte-parole de l'opposition dans le nord d'Haïti, prenait sa douche le mardi 25 novembre lorsque deux inconnus ont escaladé le mur d'enceinte de sa maison. Directeur de Radio Maxima, une station du Cap Haïtien attaquée à plusieurs reprises ces derniers mois par des partisans du président Jean-Bertrand Aristide, Jean-Robert Lalane a été atteint d'un projectile à l'épaule.

Cette nouvelle tentative d'assassinat visant un responsable de l'opposition s'est produite alors que la mobilisation contre le régime Lavalas se renforce à l'approche du bicentenaire de la création de la première république noire.

MOBILISATION ÉTUDIANTE

Les violences ont repris aux Gonaïves, ville côtière au nord de la capitale. Une vingtaine de personnes ont été tuées et une cinquantaine blessées par balles depuis l'assassinat du chef de "l'armée cannibale", Amiot Métayer, en septembre dernier. Ses proches accusent Jean-Bertrand Aristide d'avoir ordonné l'élimination de ce chef de bande qui fut longtemps son allié avant de devenir un témoin gênant.

Les affrontements entre jeunes manifestants et policiers ont recommencé le vendredi 28 novembre après le saccage de la place d'armes des Gonaïves, où le président Aristide doit prononcer un discours à l'occasion du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti, le 1er janvier 2004.

Le même jour, plusieurs centaines d'étudiants qui réclamaient la démission du président dans les rues de Port-au-Prince, ont été bombardés de pierres par un groupe de "chimères", les casseurs recrutés par le pouvoir dans les bidonvilles. Plusieurs étudiants ont été blessés sans que la police n'intervienne pour mettre fin à l'agression.

Une semaine plus tôt, un rassemblement du groupe des "184", large coalition de la société civile, avait été dispersé selon le même scénario. Sous l'œil complice de la police, des partisans du président Aristide avaient agressé à coup de pierres les manifestants qui se rassemblaient au centre de la capitale. André Apaid, un chef d'entreprise à la tête des "184", devait y présenter un plan pour sortir de la crise dans laquelle Haïti s'enfonce depuis les élections contestées de 2000.

Les ambassadeurs des Etats-Unis, de France et du Vatican avaient appelé les autorités à respecter la liberté de manifestation, faisant de cette journée un test de leurs intentions démocratiques. Pour protester contre la répression de ce rassemblement pacifique, les représentants des Etats- Unis et de l'Union européenne ont boycotté la cérémonie marquant le bicentenaire de la bataille de Vertières, le 18 novembre. Lors de cette bataille décisive, l'armée indigène formée d'anciens esclaves avait mis en déroute le corps expéditionnaire envoyé par Napoléon.

"Le plus grand souci de la mission de l'Organisation des Etats américains (OEA) semble être la sauvegarde d'un équilibre fragile aux dépens de la vérité, de la justice et du droit", souligne Anthony Barbier, le secrétaire exécutif des "184".

Le rôle de la mission de l'OEA est de plus en plus contesté par l'opposition et la société civile qui lui reprochent de "fraterniser" avec le pouvoir et de fermer les yeux sur les violations des droits de l'homme et l'impunité protégeant les bandes armées.

"ÉTAT D'IMPUNITÉ"

"Contrairement à l'expert des Nations unies Louis Joinet, l'OEA n'a rien vu", déplore le journaliste Cyrus Sibert. Dans un rapport qu'il doit présenter le 15 décembre prochain aux Nations unies, le magistrat français Louis Joinet dénonce "l'état d'impunité", la dérive mafieuse des "organisations populaires" proches du président Aristide et la politisation de la police au service du pouvoir.

La contestation gagne également les rangs de la Famille Lavalas, le parti présidentiel. Puissant baron de cette formation, le sénateur Dany Toussaint met désormais en garde contre le pouvoir "despotico-anarchique" du président Aristide qui ne peut le mener "qu'à la mort, à la prison ou, au mieux, à l'exil".

Jean-Michel Caroit

Reimprimé du journal Le Monde en date du 3 décembre 2003.

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